Le porteur d’histoire, un labyrinthe littéraire et sensible signé Alexis Michalik
Au Théâtre de Montparnasse, une odyssée théâtrale d’une intensité rare
Dans le théâtre foisonnant d’Alexis Michalik, Le Porteur d’histoire s’impose comme un joyau d’ingéniosité narrative, une traversée vertigineuse des siècles et des imaginaires, portée par une troupe incarnée, subtile, d’une justesse presque troublante. Créée en 2011 et déjà auréolée d’un succès durable, la pièce trouve aujourd’hui au Théâtre de Montparnasse un écrin à la hauteur de sa richesse.
Cinq comédiens seulement suffisent ici à faire émerger une infinité de récits, de visages, d’époques. Ils surgissent, se métamorphosent, changent de peau et de voix dans une mécanique fluide et presque magique. Il y a dans ce théâtre-là une manière de raconter qui rappelle la tradition orale, celle des conteurs d’autrefois, mais transfigurée par l’énergie du plateau. Le spectateur, happé dès les premières minutes, devient lui-même témoin, voire acteur de cette aventure où la fiction dévore la réalité. Ce n’est plus une pièce que l’on regarde, c’est une histoire que l’on traverse.
L’intrigue ? Elle se déplie, se ramifie, se réinvente sans cesse. Tout commence avec Martin, un écrivain sans histoire qui découvre un carnet manuscrit évoquant un trésor et des secrets enfouis. De là, une cascade de récits s’ouvrent, comme autant de poupées russes — des récits qui mêlent figures historiques, grandes œuvres de la littérature, fragments d’héritage familial, parcours d’exil et de transmission. De l’Algérie coloniale à la Révolution française, du XIXe siècle romantique à notre monde contemporain, Michalik joue des ellipses et des anachronismes avec une dextérité jubilatoire.
Le Porteur d’histoire est à la fois un exercice brillant de style et une œuvre profondément humaine, nourrie par la mémoire et l’identité, qui interroge ce que nous faisons de notre passé, de celui de nos aïeux. Elle parle de patrimoine, non pas au sens muséal du terme, mais comme d’un feu vivant, transmis d’une génération à l’autre. Ce théâtre-là est un théâtre de l’urgence, de la filiation, de la curiosité aussi.
Les comédiens, tous d’une remarquable sincérité, oscillent avec grâce entre comédie et gravité. Ils sont tour à tour drôles, bouleversants, fantasques ou graves, toujours au service du récit et jamais dans la performance gratuite. Cette alchimie rare donne à la pièce une densité émotionnelle qui la rapproche des plus belles réussites de Michalik, à commencer par Edmond ou Passeport.
À l’heure où le théâtre peine parfois à séduire un large public, Le Porteur d’histoire rappelle, avec une élégance non dénuée d’érudition, que le récit, dès lors qu’il est bien porté, demeure un outil puissant pour comprendre le monde. Et pour le rêver, aussi.
Informations pratiques
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Lieu : Théâtre du Petit Montparnasse, 31 rue de la Gaîté, 75014 Paris
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Période des représentations : prolongée jusqu’au 28 octobre 2025
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Durée : environ 1 h 40
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Horaires :
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De nombreuses soirées à 21h00, notamment les vendredis, samedis, dimanches et lundis (jusqu’au 25 août), avec des variations en septembre et octobre
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Tarifs :
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1ᵉʳ catégorie : environ 40 €
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2ᵉ catégorie : environ 24 €
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Accès :
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Métro : Gaîté (ligne 13), Edgar Quinet (ligne 6), Montparnasse – Bienvenüe (lignes 4, 6, 12, 13)
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