Jo Spence, une première exposition monographique en France pour une photographe engagée
Du 17 octobre au 23 novembre, l’espace Treize à Paris accueille la première exposition monographique française consacrée à la photographe britannique Jo Spence (1934–1992), figure majeure de la critique sociale par l’image.
Photographe, théoricienne de l’image et travailleuse culturelle, Jo Spence a profondément marqué la scène artistique et militante britannique à partir des années 1970. Son œuvre, qui mêle photographie vernaculaire, engagement féministe et critique des normes sociales, fait aujourd’hui l’objet d’une exposition d’envergure à Paris. Conçue par Georgia René-Worms en collaboration avec Gallien Déjean et Emmanuel Guy, cette rétrospective rassemble plus de 120 œuvres et documents, dont de nombreux inédits en France.
Photographie, maladie et émancipation
Diagnostiquée d’un cancer du sein en 1982, puis d’une leucémie en 1990, Jo Spence développe une pratique qu’elle appelle « photothérapie » : un usage de la photographie à des fins thérapeutiques, politiques et pédagogiques. En détournant l’autoportrait et les codes de la photographie de studio, elle interroge les représentations du corps malade, féminin, âgé ou assigné à une classe sociale.
Spence explore la manière dont les individus peuvent se réapproprier leur image, notamment à travers des collaborations marquantes – avec la photographe et thérapeute Rosy Martin, le collectif féministe Hackney Flashers, ou encore son ex-mari Terry Dennett, avec qui elle fonde le Photography Workshop à Londres en 1974, un centre d’archives et de pratiques communautaires.
Les scrapbooks, le privé comme laboratoire politique
Parmi les temps forts de l’exposition, une sélection inédite de plus de vingt pages issues des « scrapbooks » de Jo Spence, conservés à la Bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou, est présentée pour la première fois au public. Ces carnets, constitués entre 1980 et 1992, mêlent photographies personnelles, collages, annotations manuscrites, extraits de presse et citations théoriques.
À mi-chemin entre journal intime et laboratoire visuel, ces documents donnent à voir une pensée en mouvement, où les émotions et la vie quotidienne deviennent des objets d’analyse et des leviers d’émancipation. En exposant ces matériaux, l’équipe curatoriale invite à repenser les liens entre sphère privée et critique sociale, entre subjectivité et transformation collective.
Un espace de lutte et de transmission
L’exposition met en lumière la manière dont la photographie peut devenir un outil d’adresse collective, un lieu de résistance face aux normes imposées par le genre, la classe ou le pouvoir médical. L’œuvre de Jo Spence, à la croisée de l’art, du militantisme et de l’intime, conserve aujourd’hui toute sa force subversive et sa pertinence.
Informations pratiques
- Exposition : Jo Spence
- Lieu : Treize, 23 rue Moret, Paris
- Dates : du 17 octobre au 23 novembre
- Commissariat : Georgia René-Worms, en collaboration avec Gallien Déjean et Emmanuel Guy
- Partenaires : Fonds de dotation agnès b., Jo Spence Memorial Archive (Birkbeck University of London), Richard Saltoun Gallery, Bibliothèque Kandinsky – Centre Pompidou
- Soutien à la recherche : Institut Français (Royaume-Uni), Fluxus Art Projects
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